Maison de naissance

Depuis que le débat sur les maisons de naissance a été lancé en France, je réfléchis à écrire un billet sur le sujet. En Suisse, les maisons de naissance sont plutôt répandues et seul le remboursement de leurs prestations a été discuté (il me semble). J’ai moi-même accouché de mes trois Lutins en maison de naissance. Je vais essayer de livrer ici quelques informations et partagé mon expérience, dans le seul but du partage.

Les maisons de naissance en Suisse

La Suisse compte à ce jour  24 maisons de naissance (pour 7 millions d’habitants). J’ai cherché une statistique sur la part des accouchements en maisons de naissance par rapport aux accouchements à domicile et à l’hôpital, sans succès. Si quelqu’un a ça sous la main, qu’il ou elle me fasse signe. Il y a par contre pas mal d’infos sur le site de l’association suisse des maisons de naissance.

Les maisons de naissance sont des structures indépendantes des hôpitaux et sont entièrement gérées par des sage-femmes. Attention à ne pas confondre les maisons de naissance et les « salles nature » ou « salles d’accouchement naturel » qui sont simplement des salles d’accouchement aménagées dans un hôpital; on y trouve par exemple des baignoires à utiliser pendant le travail ou pour la naissance en elle-même, des ballons, des cordes, une décoration différente des autres salles, etc.

Les prestations des sage-femmes travaillant en maison de naissance sont toujours remboursées, que ce soit le suivi de grossesse, la conduite de l’accouchement ou les visites post-partum. C’est un peu plus compliqué pour les prestations liées directement à la maison de naissance (location de la salle d’accouchement, séjour, etc.); je crois pourtant savoir qu’un accord a été trouvé dans la plupart des cantons.

Les maisons de naissance n’acceptent pas toutes les femmes enceintes. La femme enceinte doit être en excellente santé, ainsi que le bébé. La grossesse doit se dérouler normalement. Les accouchements de jumeaux sont exclus, tout comme les antécédents de césarienne. De plus, on peut accoucher en maison de naissance entre 37 et 42 SA, c’est à dire pas trop tôt (prématurité) et pas trop tard (post-maturité).

Durant l’accouchement, une sage-femme est présente en permanence. Elle s’assure du bon déroulement du travail à l’aide de contrôles réguliers (écoute du coeur du bébé, touchers vaginaux, monitoring, etc.). Au moment de la naissance, une deuxième sage-femme est souvent présente. Les maisons de naissance disposent de matériel médical comme de l’oxygène ou divers médicaments.

Les maisons de naissance se trouvent toutes à proximité d’un hôpital, à maximum 20min de route. En cas de complication, les sages-femmes organisent un transfert vers un hôpital. Selon une étude, la cause la plus fréquente du transfert est la non délivrance du placenta (placenta qui ne sort pas après la naissance).

La douleur

Ce point là semble faire provoquer beaucoup de réactions. Je commencerai par dire que oui, les femmes qui choisissent d’accoucher en maison de naissance savent qu’elles ne pourront pas avoir d’anesthésie péridurale (à moins de le demander et d’organiser un transfert à l’hôpital). Cela paraît plutôt évident, mais cela ne l’est pas pour tout le monde semble-t-il. Si il n’y a pas de péridurale en maison de naissance, cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucune prise en charge de la douleur (!) Je souligne d’abord que la présente constante d’une sage-femme qui n’est là que pour une seule femme, un seul couple, est un véritable soutien. Je fais une petite parenthèse pour parler d’un reportage que j’ai vu dernièrement dans lequel on voyait des sages-femmes françaises (ou allemandes? je ne sais plus), surveiller des monitorings à distance, depuis un bureau. J’avoue que cela m’a semblé vraiment incroyable; même si je comprends bien que le fonctionnement d’un grand hôpital n’a rien à voir avec une maison de naissance. Pour revenir à la douleur, j’ajouterais que d’autres moyens peuvent être envisagés, comme l’eau chaude, la relaxation, le changement de position, et que sais-je encore. Ces moyens sont également disponibles à l’hôpital.

La douleur d’un accouchement est-elle une régression du statut de la femme? Un rite de passage pour devenir mère? Une chose sale et dégoûtante? La douleur d’un accouchement a un sens dans la naissance (elle résulte des contractions qui ouvrent le col de l’utérus, pour simplifier). Elle n’est ni une maladie, ni une blessure. Je crois qu’on peut choisir d’accoucher avec la douleur, tout à fait sciemment. Comme on peut choisir de l’atténuer, voire de la supprimer. Je ne crois pas que la douleur de l’accouchement soit à bannir forcément.

Le choix d’accoucher en maison de naissance

Accoucher en maison de naissance est un choix. Comme celui d’accoucher en hôpital (je ne parle pas ici des raisons médicales qui font qu’un accouchement hospitalier est obligatoire). C’est un choix fait par la femme et par le couple. Je crois qu’on oublie que c’est la femme qui accouche qui devrait être au centre de l’accouchement et non une procédure médicale ou les intervenants comme les médecins ou les sage-femmes. Les femmes, les couples, qui choisissent la maison de naissance le font parce qu’ils savent que c’est ce choix qui correspond le mieux à leur vision de la naissance et au cadre qu’ils imaginent pour une naissance sereine. C’est exactement pareil pour les femmes et les couples qui préfèrent l’hôpital. Je trouve dommage d’opposer les deux. Ce sont deux options qui correspondent à des besoins différents et qui devraient être respectées.

Les sage-femmes

Franchement, si j’étais sage-femme, quelques fois, j’en aurais gros sur la patate. J’ai l’impression que ce métier est mal considéré. Les sage-femmes ont des compétences. Oui, elles peuvent suivre des accouchements, non elles n’ont pas automatiquement besoin d’un médecin pour les assister. A ce sujet, combien de connaissances ai-je entendu raconté leurs accouchements guidés par des sage-femmes et l’arrivée des gynécologues juste au moment de l’expulsion. Amusant. Et oui, les sage-femmes sont capables d’anticiper des problèmes, d’assumer des responsabilités, de connaître leurs limites également.

Mon expérience

Je terminerai ce billet en parlant de mon expérience en maison de naissance. Nos trois enfants sont nés en maison de naissance. J’ai déjà raconté leurs naissances, ici pour grand Lutin, ici pour petit Lutin et ici pour mini Lutin. Nous avons choisi la maison de naissance pour plusieurs raisons. Peut-être d’abord pour que mon mari ait une vraie place, qu’il ne se sente pas comme la cinquième roue du char comme on dit (ceci est ressenti personnel, je ne prétends pas que les papas n’ont jamais de vraie place à l’hôpital). J’ai l’impression d’avoir vécu mes accouchements à deux, plus une merveilleuse sage-femme comme accompagnement. Et pour nous, c’est très précieux. Nous avions aussi envie d’un accompagnement privilégié. Il s’est créé avec notre sage-femme un lien de confiance mutuelle très fort. Elle a été présente pendant les trois grossesse, les trois accouchements et les trois suivis post-partum. Pendant les accouchements, elle était là pour nous uniquement, attentive et discrète, apportant son expertise et sa bienveillance. Elle avait le temps. Le temps de me demander si j’étais prête pour un examen, le temps de rester simplement assis à côté de nous. Elle avait le temps d’observer, d’évaluer, de conseiller. Nous étions très à l’aise et ça c’est important.

La maison de naissance était le choix qui convenait pour nous. Cela dit, je tiens à préciser que je ne suis pas une militante qui prétendrait que les maisons de naissance sont la panacée pour tout le monde, que les accouchements à l’hôpital sont tous terribles, que la douleur est obligatoire ou je ne sais pas quoi. Je peux tout à fait comprendre qu’on puisse se sentir plus en sécurité dans un hôpital et avec une péridurale par exemple. Je souhaiterais que toutes les femmes et tous les couples fassent un choix éclairé et avec lequel ils sont en accord. C’est tout.

Je crois avoir partagé tout ce que je voulais partager. Je réponds volontiers à vos questions dans les commentaires, dans le respect mutuel. 🙂