« Autant en emporte le vent » ou le jugement hâtif

J’ai terminé hier soir le premier roman figurant sur la liste du Challenge Fashion Klassik. Je me plie donc à la règle du jeu en écrivant un billet sur ce roman.

En découvrant « Autant en emporte le vent » sur la liste, j’ai été plutôt sceptique. Je ne sais pas pourquoi, je voyais presque le roman de Margaret Mitchell comme une simple bluette à comparer aux produits de Danielle Steel. Me suis lourdement trompée. Il y a une foule de choses à dire sur le roman, sur l’auteure, sur le contexte historique, les personnages, le style d’écriture, etc. Un vrai classique en somme. 😉

Pour resituer rapidement, je dirais qu’ « Autant en emporte le vent » est une peinture de la société sudiste post guerre de sécession, sur fond d’histoire d’amour. Je dois bien avouer que je n’avais qu’une vague idée de la guerre de sécession. Pour moi, c’était à peu près les héroïques tuniques bleues allant, au péril de leur vie, délivrer les esclaves des mains des immondes sudistes. Un peu carricatural tout ça. En lisant le roman et en m’informant un minimum à côté, j’ai appris plein de choses intéressantes. Me voilà un peu plus instruite, ce qui n’est jamais dommage, vous en conviendrez.

Je vais livrer ici quelques impressions générales avant de tenter de me lancer dans une analyse plus fine. Globalement, j’ai eu beaucoup de plaisir à lire « Autant en emporte le vent ». C’est une vraie saga, pleine de rebondissements, de drames et peuplée de personnages bien construits. Le rythme est parfois déroutant, passant d’une long dialogue à un saut de ligne qui représente plusieurs mois. Pas le temps de s’ennuyer ou de s’installer trop confortablement dans l’histoire. Le seul aspect qui m’a gênée est sans surprise le traitement que Mitchell fait de la population noire, des esclaves. Les esclaves s’expriment pratiquement comme dans « Tintin au Congo » et sont souvent décrits comme « gentils » et limités. En plus d’être clairement dépeints comme inférieurs aux blancs, j’ai noté plusieurs comparaisons avec des animaux (« figure de singe », « corps de gorille »). Les esclaves ont besoin de leurs maîtres, aussitôt affranchis la plupart ne savent que faire et errent sans but. Même si il s’agit du contexte historique, tout cela m’a gênée et m’a plusieurs fois mise mal à l’aise. Pas de violence physique, comme dans « La case de l’oncle Tom », mais un paternalisme au très mauvais sens du terme. Bref.

Au bout de l’histoire, on s’attend d’abord à un happy end, une réunion finale entre Scarlett et Rhett, une vision optimiste de la situation politique, quelque chose comme ça. Mais non, le roman finit sur un nouveau coup dur pour Scarlett et sur Rhett qui s’en va, aigri. Après réflexion, c’est presque logique. La société sudiste d’avant la guerre a disparue et les sudistes n’arrivent pas à s’adapter au renouveau du pays. Certains, à l’exemple d’Ashley, vivent dans la nostalgie et la tristesse. D’autres essayent de tirer parti de la situation, comme Scarlett, mais ne sont jamais tout-à-fait heureux. Je pense que cette analyse peut être appliquée à tout le roman, parmi d’autres analyses possibles. Je ne prendrai qu’un exemple: l’amour.

L’amour parce que l’histoire d’amour entre Rhett et Scarlett est devenue légendaire et pour beaucoup de gens représente à elle seule « Autant en emporte le vent ». Scarlett et Rhett sont des arrivistes, ils n’ont pas peur de se mêler à l’ennemi et de tirer un profit financier de la guerre. Ils finissent par être riches mais rejetés. Personne ne les accepte comme ils sont vraiment. Contraints de jouer un jeu, jamais ils ne trouvent une place stable et agréable dans la société. Scarlett pense être amoureuse d’Ashley, le prince charmant d’un royaume déchu et Rhett reporte son amour sur son enfant. Au final, Scarlett se rend compte que son amour pour Ashley a disparu et Rhett sombre dans un profond chagrin à la mort de sa fille qu’il a trop gâtée. Même l’amour est inadapté. Rhett dira même à Scarlett « Elle [Mélanie] vous aime, ce sera votre croix »; rien, pas même l’amour ne fonctionne dans cette société ravagée par la guerre.

Si je devais donner un sentiment pour décrire « Autant en emporte le vent », je dirais la nostalgie. La nostalgie d’un temps révolu, un sud agricole, un monde clos fait de plaisirs et de douceur.

Conclusion: un grand classique. Intérêt « intellectuel », histoire prenante et style bien maîtrisé, un très bon mélange. Pour moi, il manque simplement ce petit plus si rare, cet indéfinissable qui me touche profondément, me bouleverse. Dans le roman suivant peut-être?

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7 commentaires sur “« Autant en emporte le vent » ou le jugement hâtif
  1. Delph dit :

    J’ai lu ce roman passionnément il y a déjà bien longtemps, je l’avais même relu 2-3 ans plus tard pour retrouver les sensations éprouvées. Mes souvenirs n’en sont que flous mais reste cette idée qu’Autant en emporte le vent est trop court malgré ces trois tomes et que jamais le film pourtant 8 fois oscarisés n’a effleuré la grandeur du livre…

  2. Shalima dit :

    Rhaaaaa, tu me donnes envie de le relire, comme Delph je l’avais dévoré et adoré ! par contre, j’aime aussi bcp le film, pour ses images, ses couleurs, ses acteurs… rhaaaaa, j’ai envie de le revoir aussi, du coup !!!! 😆

  3. Très chouette billet! Le contexte historique peut en effet déranger mais c’est aussi intéressant de pénétrer dans les mentalités d’un peuple (car les sudistes se voyaient vraiment comme tel) et je trouve que ce que tu dis sur la nostalgie est très juste. Et d’un! 😉

  4. Charlotte dit :

    Delph: Il me semble avoir vu une partie du film il y a bien longtemps mais je n’en ai pas gardé un souvenir très net. Cela dit, j’essaye en général de considérer livre et film tiré du livre comme deux « oeuvres » différentes et de ne pas comparer.

    Shalima: Je suis une spécialiste des relectures de livres… :mrgreen: Tu peux toujours reprendre les meilleurs morceaux selon toi.

    Fashion victim: Merci! Je suis bien d’accord avec toi. Je me réjouis de continuer ce chouette challenge.

  5. Docteur K. dit :

    Rhaaah! Autant en emporte le vent!!!!! Et la scène ou Vivian Leigh (alias Scarlett) brandit la terre en hurlant de sa petite voix fluette:  »Je juuuure sur la terre de Tara que je ne connaitrais plus jamais la faim….!!! » Ca me donne envie de le revoir – relire!

    (NB: bonjour charlotte, je découvre ton blog……)

  6. Charlotte dit :

    Docteur K: Bonjour, bienvenue ici. Il faudrait que je loue ce film, c’est aussi un classique du genre.

  7. ALLAL dit :

    Bonjour,
    J’ai lu votre billet et partage votre sentiment sur le fait que le roman « autant en emporte le vent » exprime la nostalgie ; le paradis perdu…
    D’ailleurs moi, je le relis à chaque fois que je sens mon âme s’assoupir.
    Mes deux viatiques , lorsque je vais mal , sont « Autant en Emporte le Vent » avec Scarlett O’hara et « les Hauts de Hurlevent » avec Catherine Earnshaw. La personnalité de ces deux héroïnes reflète la complexité et en même temps la souffrance de l’âme feminine. Ces fabuleux écrits ont été enfantés par des auteurs femmes ; et moi homme, je les ai profondément ressenti.

2 Pings/Trackback pour "« Autant en emporte le vent » ou le jugement hâtif"
  1. […] Fashion Klassik: 2ème! Après “Autant en emporte le vent”, voici “Orgueil et préjugés”. Je le referme à peine et il me reste une saveur […]

  2. […] n’est pas romanesque comme “Autant en emporte vent” et ce n’est pas toute en finesse acidulée comme “Orgueil et Préjugés”. […]

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